Paris
le 24 Janvier 1841
Monsieur
Votre derniere lettre, <1> en date du 17 courant, m’a d’autant plus interessé que vous ne pouviez pas connaitre alors le rapport que j’ai fait à l’academie sur les expériences de Mr Edmond Becquerel <2> [illegible deletion] au nom d’une commission dont Mrs Arago et Savary <3> faisaient partie avec moi. Ce rapport est imprimé dans le compte rendu de la séance du 11 courant. si vous avez le tems, et l’occasion de le lire, vous verrez que, pour tous les formes des principes théoriques, il présente une concordance remarquable avec vos vues, et vos nouveaux résultats. je trouve à peine à y signaler une différence que je crois plus apparente que [illegible]; et qui me semble n’exister que dans les expressions elle est relative à celle de Vos premieres experiences que vous rappelez.
Elle offrait, sans doute, un fait bien curieux, et qui doit etre le même, quant au principe, que ceux que notre jeune homme a observés. mais permettez moi dajouter que ce fait le presentait aussi sous une forme très complexe, qui, à une epoque ou ce genre de considération etait si nouveau, pouvait bien, et devait même, en déguiser la nature veritable. c’est pour cela, sans doute qu’il a passé inapperçu, comme beaucoup d’autres, dont l’importance ne sera sentie qu’avec le tems. ici, en outre, l’intervention de la [illegible deletion] radiation solaire contribuait à en dissimuler sa cause. car, on aurait pu depuis le croire analogue, ou correspondant, à ceux qu’offrent les papiers de gayac, qui exposés au soleil, dans certaines conditions que j’ai expliquées, ne paraissent pas modifiés du tout; mais se modifient instantanément quand on les transporte du coté du nord, à l’ombre, et quon les presente à la radiation diffuse, qui est distincte de l’autre par la diversite de ses elemens, comme par l’inegale quantité de leurs proportions. je chercherai demain à l’academie le volo du Philosophical magazine <4> auquel vous renvoyez. je relirai votre expérience, et la rappellerai avec plaisir dans l’occasion. mais il reste, je crois, à Mr Edmond Becquerel le mérite d’avoir très nettement analysé ce genre de faits; d’en avoir spécifié les conditions, ainsi que le mode d’accomplissement; et de nous avoir avoir ainsi fourni les moyens de le rattacher à l’ensemble des résultats deja Connus. Je suis persuadé que vous arriverez, comme nous, à cette conclusion, quand vous aurez lu notre rapport. Seulement il y manque de n’avoir pas rappelé votre premiere observation; et nous l’aurions fait si elle ne nous avait pas echappé. mais je trouverai l’occasion de réparer cet oubli. Quant à la belle experience que vous me décrivez ensuite, je ne puis assez vous exprimer combien j’en ai été charme. car [illegible deletion] elle semble arriver tout Exprès, et parfaitement à propos, pour justifier la conclusion que nous avons tiree des expériences de notre jeune physicien, et que nous avions exprimee dans la phrase suivante “La condition tant désirée, de l’art Photogénique, doit donc consister, non pas à creer ou a fortifier l’image, en prolongeant l’action de la radiation [illegible deletion] mais à la rendre sensible, en l’absence de l’objet, [illegible deletion] soit, comme l’a fait Mr E. Becquerel; en soumettant le papier, ou les plaques, à des radiations d’une telle nature qu’elles s’exercent seulement sur les portions de la surface deja impressionnées, etant inefficaces pour les autres; soit en cherchant des réactifs qui aient sur ces parties une action chimique différente, comme cela a lieu dans les premieres experiences, de Mr niepce <5>, et dans les operations plus parfaites de Mr Daguerre <6>. Or, d’apres votre lettre, cest le dernier mode d’exhibition que vous realisez admirablement; et je serais tres reconnaissant si vous vouliez bien essayer l’autre mode, par le verre rouge, sur les papiers excessivement sensibles que vous possedez. nous demandons [illegible deletion] en outre dans notre rapport, que l’on examinât, si la spécialité d’excitation primitivement établie, persiste avec le tems. Vous m’en donnez des preuves parfaitement convaincantes et je ai l’avais constaté aussi, postérieurement à ma derniere lettre, par le moyen des radiations, sur les papiers de Mr Edmond Becquerel, conservés pendant huit jours; comme vous le pouvez voir dans le compte rendu de notre séance du 18 janvier 1841.
Rien ne semblerait donc plus naturel que de lire demain votre lettre à l’academie, pour vous feciliter [sic] d’un pareil accord. c’etait là ma premiere pensée. mais j’ai cru mieux faire, de la communiquer confidentiellement à deux de mes confreres seulement, pour m’appuyer au besoin de leur temoignage, additionnellement à la date ainsi qu’au timbre de la lettre; et [illegible deletion] de remettre la Communication publique jusquà lundi prochain 1er fevrier, ou je pourrai avoir reçu[illegible deletion] une réponse de vous à ce que je vais vous dire.
Mr Daguerre a fait annoncer par Mr Arago qu’il etait parvenu à obtenir des images, dans la chambre obscure, par une exposition excessivement courte, (qu’il dit etre d’une seconde), à la radiation emanée des objets. il n’a donné aucune indication quelconque de son procedé, qu’il a seulement communiqué en secret à Mr Arago, sans lui montrer d’ailleurs aucun produit ainsi réalisé. On presse ici, Mr Daguerre, dans les journaux, d’expliquer publiquement son procédé. je ne sais s’il cédera, et s’il sera en mesure de céder à ces sommations, n’ayant depuis longtems aucun rapport personnel avec lui. mais s’il réalise [illegible deletion] effectivement ce qu’il annonce, je suis convaincu que ce sera par la continuation de l’impressionnabilité rendue efficace, soit au moyen de [illegible deletion] radiations dune nature spéciale, comme le fait Mr E. Becquerel, soit par l’action d’un reactif chimique comme vous l’avez fait.
Or, s’il arrivait qu’il se déclarat avant Vous, la découverte lui appartiendra scientifiquement, puisqu’on doit toujours l’attribuer au premier qui publie, quand toute idée de communication et de plagiat est impossible. il vous restera, sans doute, la conscience morale de l’avoir faite aussi, et aux yeux des savans qui connaissent Votre caractere personnel, vous en serez aussi un inventeur. mais aux yeux du public Vous ne pouvez prétendre qu’au titre de second inventeur, puisque vous arriverez postérieurement; et cela n’est pas injuste, puisque des personnes mêmes qui ne possederaient qu’imparfaitement un procédé, ou qui ne l’auraient même pas encore, pourraient toujours l’annoncer, en se réserverant le droit de le publier plus tard.
C’est pourquoi je Vous supplie, dans votre interêt, comme dans celui des Sciences, de ne pas exposer, par le desir d’une perfection de détails, l’honneur légitime qui doit vous revenir d’une amélioration si importante de vos premiers procedés. Vous serez toujours à même d’y ajouter plus tard, après que vous vous en serez assuré la possession incontestable et publique; tandis que vous ne gagnerez rien à attendre, et vous en serez seulement dans l’obligation de reclamer la simultaneite de travaux. Si vous approuvez ces réfléxions, je puis recevoir de vous dici au lundi 1er fevrier une reponse decisive. qu’elle contienne seulement la nature de votre procédé, avec quelques details pareils à ceux que renferme votre derniere lettre; et une priorité incontestable vous est assurée. Vous ne serez pas surpris, je l’espere, de me voir insister [illegible deletion], sur ce point auprès de vous. j’en dirais autant à Mr Daguerre, si j’etais avec lui dans les mêmes relations. et, quant à l’amour propre de nationalité, je le trouve si petit, et si mesquin, lorsqu’on le mêle au progrès des découvertes scientifiques, que je le mets ici tout à fait en dehors. je souhaite de tout mon cœur, vous persuader, et je me tiendrai tres heureux si je puis y parvenir.
Agreer je vous prie l’expression de toute ma consideration
J. B. Biot
A Monsieur
Monsieur H. F. Talbot, membre de la
Societé Royale de Londres &c &c
Lacock Abbey, chippenham Wilts
England
Translation:
Paris
24 January 1841
Dear Sir,
Your last letter, of the 17th instant, interested me even more than you could imagine, since you could not have heard about the report I made to the Academy on the experiments of Mr Edmond Becquerell in the name of a commission of which Messrs Arago and Savary were members alongside myself. This report is printed in the compte rendu of the meeting of the 11th instant. If you have the time and the opportunity to read it, you will see that, for the forms of all the theoretical principles, there is a remarkable coincidence with your views, and your new findings. I can scarcely find any differences to point out in it that I would consider more apparent than [illegible deletion];and which seem to me only to exist in the way they are expressed. it is relative to that of your first experiments which you will recall.
It clearly brought to light a very curious fact, which must follow the same principle, as those observed by our young man. but allow me to add that this fact also presented it in a very complex form, which, at a time when this kind of consideration was so new, could well, and even ought to disguise its true nature. That is why, doubtless it passed unnoticed, like many others, of which the importance will only appear with time. Here moreover, the intervention of solar radiation contributed towards concealing its cause. for, one could have since believed it to be analogous, or corresponding, to those which guaiacum papers offer, which when exposed to the sun, in certain conditions that I have outlined, do not seem modified in any way; but modify instantly when transported to the North side, in the shade, and presented to diffuse radiation, which is distinct from the other type by the diversity of its elements, and by the inequality of their proportions likewise. Tomorrow, at the académie, I will look for the Volume of the Philosophical magazine to which you refer. I will read over your experiment again, and will recall it with pleasure for the occasion. But it remains, I believe, to Mr Edmond Becquerel the merit of having thoroughly analysed this type of fact; for the specification of its conditions, as well as the method of accomplishment; and to have thus provided us the means of joining it to the ensemble of results already known. I am convinced that you will arrive, like us, at this conclusion, after reading the report. all that it fails to do is refer to your first observation; and we would have done so had it not escaped our notice. But I will find the opportunity to repair this oversight. With regards to the lovely experiment that you go on to describe to me, I cannot even begin to express to you how delighted I was by it. for it seems to succeed for all intents and purposes, in justifying the conclusion that we have drawn from the experiments from our young physicist, and that we have expressed in the following sentence “The desired condition, for Photogenic art, must not therefore entail creating or intensifying the image, by prolonging the action of the radiation [illegible deletion] but making it sensitive, in the absence of the object, either, as Mr E. Becquerel has done; by exposing the paper, or the plates, to specific types of radiation that affect only the portions of the surface already imprinted, being ineffectual for the others; or in seeking reagents which have a different chemical reaction on these parts, as is the case in the first experiments by mr niepce, and in the operations improved further by Mr Daguerre. However according to your letter, it is the last mode of operation that you succeed admirably; and I would be very grateful if you would kindly try the other method, through the red lens, on your extremely sensitive papers. We request moreover in our report, that it be examined whether or not the specificity of excitation established crudely, persists with time. You give me perfectly convincing evidence of this and I had also stated this, previous to my last letter, by the means of radiations, on Mr Edmond Becquerel’s papers, conserved for eight days; as you can see in the compte rendu of our meeting of January 18th 1841.
Nothing therefore would seem more natural than to read your letter tomorrow to the academy, to congratulate you for producing something of this order. my first thought was to do just that. But I thought it would be better, to communicate it confidentially to only two of my colleagues, who, as witnesses, could back me up if required, in addition to the date as well as the postmark; and to put back the public announcement until next Monday the 1st of February, by which time your response would have had time to reach me with regards to what I am about to tell you. –
Mr Daguerre had Mr Arago announce that he had managed to obtain images, in the camera obscura, with an excessively short exposure, (which he says is of one second), to radiation emanating from objects. He gave no indication of the nature of his procedure, which he only communicated in secret to Mr Arago, without showing him, moreover, anything produced in this way. Here, Mr Daguerre is being urged, in the newspapers to explain his procedure publicly. I do not know if he will relent, and if he will be in a position to give in to these demands, having had no personal contact with him for a long time. But if he executes what he claims effectively, I am convinced that it will be by the more effective continuation of impressionability, made possible either by means of special types of radiation, as does Mr E. Becquerel, or through the action of a chemical reaction as you do.
However, if it turned out that he made his declaration before you, the discovery would belong to him scientifically, since it must always be attributed to the first to publish, when any element of communication or plagiarism is impossible. no doubt you will be left with the moral conscience of having also done it, and in the eyes of the scholars who know you personally, you will also be an inventor of it. but in the eyes of the public you can only lay claims to the title of second inventor, since your success comes later; and that is not unfair, since even people possessing only an imperfect procedure, or who did not yet have one, could always announce it, reserving for themselves the right to publish it at a later date.
That is why I beg you, both in your own interest and in that of the Sciences, not to lay open, in the desire for the perfection of details, the legitimate honour which should go to you for such a significant improvement on your first procedures. you will always be able to add to it later, after you have assured incontestable and public ownership for yourself; whereas you have nothing to gain in waiting, and you will only be forced to claim simultaneity in your work. If you agree with these reflections, may I have a decisive response from you between now and Monday 1st February. It should contain only the nature of your procedure, with some details like those enclosed in your last letter; and you will be guaranteed priority You will not be surprised, I hope, to see me labouring this point with you. I would say the same to Mr Daguerre, if I had the same relationship with him. And as far as national pride is concerned I find it so petty, and so mean, when it is mixed up with the progress of scientific discoveries, that I put it right out of the equation here. I wish with all my heart, to persuade you, and I will feel very happy if I can manage this.
Accept I beg you the expression of all my regards
J. B. Biot
To Sir
Mr H. F. Talbot, member of the
Royal Society of London etc. etc.
Lacock Abbey, chippenham Wilts
England
Notes:
1. Letter not located.
2. Alexandre Edmond Becquerel (1820–1891), physicist.
3. Dominique François Jean Arago (1786–1853), French physicist, astronomer & man of science, and Felix Savary (1797–1841), astronomer & man of science.
4. Philosophical Magazine.
5. Joseph Nicéphore Niépce (1765–1833), photographic inventor.
6. Louis Jacques Mandé Daguerre (1787–1851), French artist, showman & inventor.