Paris
le 9 avril 1839
Monsieur
Je Suis bien coupable envers vous. Votre lettre du 25 mars <1> m’est parvenue à la Campagne où j’etais allé chercher quelque repos et où je n’ai fait que travailler. J’attendais pour y répondre, et vous en remercier, que j’eusse terminé un travail sur la résine de gayac, dans lequel je n’employe, pour la décomposer et en isoler le principe impressionnable, que l’eau froide, l’alcool froid, l’attraction d’un tissu, et la radiation atmosphérique diffuse, comme agent chimique de décomposition. mais je suis arrivé à des resultats singuliers et inattendus, qui me menent plus loin que je ne voulais, et, comme je viens de recevoir votre seconde lettre, avec le precieux cadeau qu’elle renfermait, je ne veux pas tarder davantage à vous en exprimer ma reconnaissance: je commence d’abord par répondre aux spécialités de votre premiere lettre du 25 mars.
Mr Arago <2> a rectifié de lui même, dans le Compte rendu <3> de ce même Jour, l’erreur de date dont vous vous plaignez quant à l’expérience citée par mr Babinet, <4> je ne saurais pas exactement vous dire, de quoi il a voulu parler. c’est un homme tres instruit, et qui a des idées très variées sur toutes sortes d’objets; mais elles se pressent quelquefois un peu trop Entre elles pour que je me croie assuré de les suivre très distinctement. Si vous jettez les yeux sur le compte rendu du 4 mars, (et permettez moi de vous dire combien je souhaiterais que vous voulussiez vous abonner à ce recueil ouvert a tous les savans des deux mondes) vous y verrez 1o que j’ai restitué à Canton la remarque primitive que [illegible deletion] la radiation émanée de l’etincelle electrique peut exciter la phosphorescence à distance, quoiqu’il ne l’ait remarqué qu’accidentellement et sans en tirer aucune induction physique Sur le pouvoir. 2o que, sans avoir répeté l’expérience de Wilson <5> sur l’influence d’une bougie, je m’accorde en resultat avec lui, puisque j’ai produit le même effet avec votre flamme de l’alcool Salé, que j’employais pour savoir si elle communiquerait sa couleur jaune propre, à la radiation phosphorique emanée des coquilles, ce qui n’a pas eu lieu, du moins sensiblement. 3o enfin que j’ai discuté l’autorité qu’il fallait attribuer à la remarque de Beccari sur la faculté interceptante du verre, remarque dont mr Arago avait inséré, dans le Compte rendu précédent, qu’on ferait attribuer à Beccari <6> la premiere observation de cette proprieté. Je crois avoir prouvé démonstrativement, que cette remarque n’etait nullement, de la part de Beccari, une consequence tirée de l’experience, mais une induction inexacte, de la recommandation faite par Dufay qu’il fallait exposer les corps à l’air libre (sub dis), et non dans les appartemens l’intérieur des appartemens, pour leur [illegible deletion] développer leur propriete phosphorique, la différence de ces deux conditions, comprend plusieurs circonstance, complexes, beaucoup plus influentes que l’absorption des vitres, et qu’il faut d’abord exclure comme je l’ai fait, pour pouvoir conclure celle cy.
Je vous demande pardon de mon ignorance, qui m’a fait vous prier de m’indiquer des liquides, non alcooliques, impressionnables à la radiation. J’en ai trouvé depuis plusieurs, dans vos propres publications anciennes, et dans celles de mr Herschell <7> je les emploierai incessamment au but que je vous ai indiqué, ma petite chambre portative pour la polarisation <8> etant préparée. mais il faut auparavant que je me tire de mes experiences sur la résine de gayac, où je trouve la radiation agissant chimiquement pour separer des principes combinés, et produisant en cela des effets tous pareils à ceux que j’obtiens aussi avec la pil electrique de Volta. il y a là une série de phénomenes, qui Se sont offerts à moi, et qui me captivent autant par leurs conséquences singulieres, que par leur nouveauté.
Je vois avec un grand plaisir les efforts qui se font autour de vous pour varier et multiplier les effets de la radiation appliquée au tracé des objets naturels, ou à la copie des dessins déja éxécutés par l’art. car, indépendamment de l’utilité immédiate qui doit en résulter, les expériences, et les essais mêmes, faits dans cette direction, ne peuvent qu’accroitre nos connaissances sur les caracteres physiques de la radiation et sur la maniere de l’employer. je suis on ne peut plus Sensible à la marque de souvenir que vous m’avez transmise de la part de notre commun ami, mr Herschell, et je vous prie de vouloir bien le lui témoigner. il y a longtems que j’apprécie son génie varié, ses grands travaux et son esprit d’invention. J’ai soigneusement enveloppé ses dessins, et les ai enfermés, et pressés, dans le volume même des transactions Philosophiques de 1833, où je trouve tant de belles observations de lui sur les nébuleuses célestes. je ne les en tire que pour les emporter dans ma solitude à la campagne, où je les mettrai dans une place durable, comme un temoignage precieux de son amitié. Cela ne fait pas que je vous tienne quitte de la promesse que vous m’avez faite vous même de m’envoyer quelque dessin de vous. mais, puisque vous me reg remettez à l’epoque prochaine j’espere, où vous serez etabli a la campagne, permettez moi de vous demander le portrait de votre habit Je m’engage, en echange, à vous envoyer ainsi qu’à mr Herschell, le portrait de mon hermitage solitaire, et du charmant paysage qui l’environne, dès que le procédé de mr Daguerre <9> nous sera connu. adieu Monsieur: soyez assez bon pour que ce retard trop long, mais involontaire de la réponse que je vous devais, ne vous engage pas à me rendre la pareille; et veuillez agreer les sentimens de consideration la plus distinguée avec lesquels je Suis
Monsieur Votre très humble et très obéissant Serviteur
J. B. Biot
A Monsieur
Monsieur H. Fox Talbot, membre de
la sociéte Royale de Londres, &c &c
no 44 Queen Ann Street
London
England
Lacock Abby
Chippenham
Wilts
Translation:
Paris
9 April 1839
Sir,
I owe you an apology. Your letter of the 25th of March reached me in the Country where I had gone for a rest and where I did nothing but work. I was waiting before replying and thanking you until I had finished some work on gum guaiacum, for which I am only using cold water, cold alcohol, the attraction of a tissue and diffuse atmospheric radiation as a chemical agent of decomposition. But I have attained remarkable and unexpected results which are taking me further than I wanted to go, and as I have just received your second letter, along with the precious gift which it contained, I do not wish to delay further in expressing my thanks: I will first of all begin by replying to the specific points of your first letter of the 25th of March.
Mr Arago has himself, in today’s Compte rendu, rectified the mistake concerning the date with reference to the experiment cited by Mr Babinet. I cannot tell you exactly what he wanted to talk about. He is a well educated man who has a wide variety of ideas about all kinds of subjects; but they are sometimes so numerous and so juxtaposed for me to feel certain that I am following them very clearly. If you cast a glance at the compte rendu of the 4th of March, (and allow me to tell you how much I would like it if you would like to subscribe to this journal which is open to all scientists of the two worlds), you will see that 1: I have restored to Canton the credit for being the first to say that radiation emanating from an electric spark can excite phosphorescence at a distance, although he only noticed it by accident without making any physical induction on this power 2. Without having repeated Wilson’s experiment on the influence of a candle, my findings agree with his, since I have produced the same effect with your flame of Saline alcohol, which I was using to find out if it would pass on its own yellow colour to the phosphoric radiation emanating from shells. This did not happen, at least, not noticeably. 3. Finally, I have discussed the authority to be attributed to Beccari’s remark on the absorbant faculty of glass. Mr Arago had included in the previous compte rendu that people thought that Beccari should be given the credit for being the first to observe this property. I believe that I have proved demonstrably that this remark was not the result of an experiment on Beccari’s part, but rather an inaccurate induction based on Dufay’s recommendation that it was necessary to expose the bodies in the open air (sub dis) and not keep them indoors, in order to develop their phosphorescent properties. The difference between these two conditions comprises several complex circumstances, far more influential than the absorption of the window panes, and which have to be excluded to begin with, as I have done, in order to be able to reach this conclusion.
I apologise for my ignorance, which made me ask you to indicate the non-alcoholic liquids which are susceptible to radiation. I have since found several, in your own earleir publications and in those of Mr Herschell. I will use them very shortly for the aim which I have indicated to you, since my small portable box for polarization is ready. But beforehand, I have to finish my experiments on gum guaiacum, in which I find radiation reacting chemically to separate the combined elements. This produces identical effects to those which I also obtain with the Volta pile. There is a series of phenomena here which have been revealed to me, and which captivate me as much because of their singular results as because of their novelty.
I am very pleased to see the efforts which are being made to vary and multiply the effects of radiation when it is applied to the tracing of natural objects or to copying drawings which have already been produced by the art For, irrespective of the immediate use which should result from it, the experiments and even the trials which have been conducted in this direction can only increase our knowledge of the physical characteristics of radiation and of the ways of using it. I could not have been more touched by the regards which you passed on from our mutual friend, Mr Hershell, and would you please be so kind as to tell him so. I have long admired his wide-ranging genius, his great works and his spirit of invention. I have carefully wrapped up his drawings, and have pressed and then put them in the same volume of the 1833 Philosophical transacations where I have found so many of his excellent observations on celestial nebulae. I only remove them to take with me to my retreat in the country where I will put them in a safe place as a precious token of his friendship. This does not mean that I release you from your promise to send me a drawing of yourself. But, since you are postponing our meeting until a later date, when I hope that you will be established in the country, allow me to ask you for the portrait of your home. In exchange, I promise to send both you and Mr Hershell the portrait of my isolated retreat and of the charming countryside which surrounds it as soon as Mr Dagurre’s process is known to us. Farewell, Sir, please do not let the involuntary lateness of the reply which I owed you encourage you to do the same to me, and please accept my highest regards with which I am,
Sir, your very humble and very obedient Servant
J. B. Biot
Mr H. Fox Talbot,
member of the Royal society of London &c. &c.
no 44 Queen Ann Street
London
England
Lacock Abbey
Chippenham
Wilts
Notes:
1. Letter not located.
2. Dominique François Jean Arago (1786–1853), French physicist, astronomer & man of science.
3. Comptes Rendus hebdomadaires des séances de l’ de l’Académie des Sciences.
4. Jacques Babinet (1794–1872), physicist.
5. Benjamin Wilson (1721–1788), natural philosopher.
6. Jacopo Bartolomeo Beccari (1682–1766), natural philosopher.
7. Sir John Frederick William Herschel (1792–1871), astronomer & scientist.
8. Biot invented a polariscope of his own. This appears to be an early reference to his work on the instrument.
9. Louis Jacques Mandé Daguerre (1787–1851), French artist, showman & inventor.