Nointel près clermont departement de L’oise Oise
27 Mai 1839
Monsieur
Vous m’aurez peut être juge bien peu reconnaissant pour avoir tarde si longtems à vous remercier des nombreux dessins photogéniques, que Notre commun ami sir John Herschell m’a remis de votre part. <1> mais j’ai été conduit à faire mal, en voulant faire mieux. Il y a à Paris quelques Personnes qui cultivent votre art c’est à dire qu’elles font des dessins photogeniques, où elles obtiennent directement les lumieres reproduites par des lumieres, en se servant de la radiation pour blanchir le papier noirci par le chlorure d’argent, en y repandant une couche d’iodure de Potassium. L’une de ces personnes est mr Lassaigne, <2> chimiste ingénieur, dont vous connaissez peut etre plusieurs memoires intéressans, lui et une autre personne, m’avaient montré des calques de gravures, et même des dessins à la chambre noire, obtenus avec assez de netteté, par ce procédé. je leur avais demandé, et elles m’avaient promis, quelques dessins ainsi tracés, sur une feuille de papier à lettre, que j’aurais achevé de remplir par mes remerciemens. mais elles ne m’ont pas tenus parole; et un envoi que j’ai reçu hier de paris ne m’a rien apporté. Je me décide donc à vous écrire sur du papier Vulgaire; en vous témoignant à la fois et mes remerciemens, et mes regrets de ne pas être à Paris pour recevoir ce portrait de votre maison de campagne que vous avez bien voulu me destiner. mais je le réclamerai avec instance et si, monsieur Roberton <3> l’a déposé, au collège de france, ou à l’institut, en mon absence je l’aurai sous peu de jours. il embellira mon hermitage. Car, moi aussi, monsieur, j’ai le bonheur d’avoir une maison des champs, mais une petite maison, avec une ferme, que je cultive moi même, ou pour parler vrai qui se cultive sous mes yeux, loin du tracas de la Ville et de la Vie littéraire j’ai des chevaux, et des bestiaux, avec des etables Anglaises, et tout cela dans une situation charmante, sur la route qui mène de Calais à Paris. de sorte que, si vous veniez voir les dessins de mr Daguerre, comme sir John Herschell m’a dit vous y avoir engagé, <4> je suis sur votre passage; et soit en allant soit en revenant, je Serais bien heureux de vous recevoir. Je pourrais vous faire voir experiences chimiques sur les substances douées du pouvoir rotatoire, et y joindre d’excellens fromages à la crême, que nous fabriquons par un procédé particulier. Vous me montreriez des expériences photogeniques et vous me diriez precisément ce que vous désignez par cristaux circulaires, dont le Dr Brewster va s’occuper. <5> car n’ayant pas ici sous la main les journaux scientifiques anglais, je ne comprends pas bien quels sont ceux auxquels vous avez donné ce nom. je serais porté à penser que ce sont les formations radiées que vous avez observées sous le microscope, avec la lumiere polarisée, et dont j’ai admiré aussi les belles couleurs, en les reproduisant d’après vos descriptions. je suis tres heureux que vous ayiez bien voulu accorder quelque interet à la décomposition de la resine de gayac, par la radiation. je me suis assuré depuis, que la substance qui bleuit, est excessivement volatile sous cette influence; et je ne serais pas surpris que ce fut elle, qui, par son exhalation ainsi provoquée, devient le principe Sudorifique reconnu dans cette résine; car on m’a cité des exemples de personnes qui, en ayant pris beaucoup, comme remède contre la goutte, sont devenues quelquefois tous bleus à la superficie de leur corps. mais, après avoir donné quelque tems à la curiosité et à l’attrait que m’inspiraient ces nouveaux phénomenes des radiations, je me vois contraint de les abandonner tous cet été, pour terminer une nouvelle edition de mon traité d’astronomie <6> que j’ai entreprise depuis l’année derniere, si toutefois Dieu me donne encore assez de tems et de force pour remplir cette tache. Toutefois j’ai voulu, auparavant, faire mes adieux aux radiations, par deux articles inserés dans le Journal des savans, <7> sur leurs effets chimiques et sur l’usage que mr Daguerre en a fait pour ses dessins. sans connaitre son secret, il m’a paru curieux de pouvoir assigner les Conditions physiques générales auxquelles il a du nécessairement satisfaire pour obtenir la perfection où il est arrivé comme exécution d’art. or, pour vous donner un exemple de Sa sagacité, je vous dirai que, parmi ces conditions, il y en a de purement optiques qui sont d’une Extrême délicatesse. je ne parle pas de la nécessité que l’objectif soit periscopique, pour obtenir les foyers sur un même plan à diverses distances angulaires de l’axe. je savais bien qu’il l’avait remarquée. mais il y a une autre condition plus délicate. chaque substance impressionnable, ayant, pour ainsi dire son spectre de visibilite propre, qui peut etre, en partie coincidant avec le spectre lumineux, mais aussi en partie extérieur à ce spectre, il s’ensuit que les courbures de l’objectif doivent etre telles qu’il soit achromatique pour ce spectre idéal, non pour le nôtre; <8> de sorte qu’il devra etre approprié à l’impressionnabilité spéciale de chaque substance. or, ayant montré mon article à mr Daguerre après l’avoir écrit, et avant qu’il fut imprimé, il m’a dit avoir bien remarqué aussi expérimentalement, cette condition là, et avoir varié les Courbures de son objectif pericospique [sic], achromatisé, jusquà ce qu’il la jugeat satisfaite par le maximum de netteté qu’il obtenait. je pense qu’il aura été favorisé en ceci par la nature particulière de sa substance. Car, en etudiant son impressionnabilité pour les divers rayons, ou plutot pour les divers es degrés de refrangibilité compris dans le spectre lumineux, il a trouvé que le maximum d’efficacité [illegible deletion] s’obtenait dans les rayons bleus, par consequent tout près des verts qui sont à peu pres au milieu de notre spectre chromatique. or, quand les opticiens construisent des objectifs achromatiques, pour les yeux, il reste toujours quelque défaut de compensation qui tourne vers le bleu ou vers le rouge. si, à force d’essayer différens objectifs, il est tombé sur un, où l’exces fut vers le bleu, cet objectif aura été parfait pour sa substance, et il se sera tenu aux courbures qu’il se trouvait avoir. mais vous voyez combien de telles remarques supposent une sagacité dans un homme qui n’avait fait aucune etude d’optique ni de chimie spéciales, avant de s’être mis en tete ce Sujet qu’il a constamment suivi pendant quatorze ans, avec une infatigable passion. dans mon second article je fais l’histoire des tentatives de mr niepce <9> et des siennes propres daprès les renseignemens qu’il m’a fournis et les lettres qu’il m’a montrées. Vous pensez bien que j’ai saisi cette occasion pour rendre une entiere justice à la complette independance des recherches qui ont été faites en Angleterre, avant que les siennes eussent reçu leur publicite. [illegible deletion] après avoir bien examiné la question, je reste convaincu que si les dessins sur papier ne peuvent pas avoir la perfection des tableaux de mr Daguerre, comme œuvre d’art, ils peuvent rendre aux physiciens et aux voyageurs des services infinis, dont on ne saurait trop varier multiplier les applications. adieu monsieur il me reste à peine une place au dos de cette feuille pour vous reiterer mes remerciemens, et vous répéter l’invitation de venir nous voir pendant quelques jours, si vous allez à Paris. Croyez que ces sentimens sont bien sinceres et veuillez en agreer l’expression.
J’ai l’honneur d’etre avec la plus haute Consideration Monsieur Votre tres humble et obeissant serviteur
Biot
A Monsieur
Monsieur H. Fox Talbot, membre de
la sociéte Royale de Londres &c &c
Lacock Abbey
Chippenham
Angleterre
Translation:
Nointel, near Clermont, Oise
27 May 1839
Sir,
You may have thought that I was very ungrateful for taking so long to thank you for the numerous photogenic drawings which Our mutual friend, Sir John Herschell sent me on your behalf. But I behaved badly by intending to do good. In Paris, there are several people who are cultivating your art, that is to say that they are making photogenic drawings in which they obtain light directly produced by light, using the solar radiation to bleach paper which has been darkened by silver chloride by brushing a layer of Potassium iodide onto it. One of these people is Mr Lassaigne, chemist and engineer, several of whose interesting memoires you may know. He and another person had showed me tracings of engravings, and even camera obscura drawings which had been obtained using this process and which were fairly sharp. I had asked them, and they had promised me some drawings traced in this way on a sheet of writing paper, which I would have filled completely with these my thanks, but they have not kept their word, and a parcel which I received yesterday from Paris brought me nothing. Consequently, I have decided to write to you on ordinary paper to express both my thanks and my regrets that I am not in Paris to receive the portrait of your country house which you intended for me. But I will pursue it earnestly, and if Mr Roberton has left it at the college de France or at the institute in my absence, I will have it in a few days. It will decorate my retreat. For I too, Sir, have the good fortune of owning a country house, but it is a small house, with a farm which I cultivate myself, or to tell the truth, which is cultivated before my very eyes, far from the worries of the City and Literary life. I have horses and cattle with English stables, and all in a charming location, on the road which leads from Calais to Paris. This means that, if you came to see Mr Daguerre’s drawings, as Sir John Herschell told me he had urged you to do, I am in your route; and I would be very happy to receive you, either on your way there or on your way back. I could show you chemical experiments on substances endowed with rotary power, and combine that with excellent cream cheeses which we make according to a special process. You could show me photogenic experiments and tell me precisely what you designate as circular crystals, with which Dr Brewster is going to be occupied. Because, since I do not have English scientific journals to hand here, I do not really understand to which ones you have given this name. I would be inclined to think that you mean the stellate formations observed under your microscope with polarised light, the beautiful colours of which I have also admired, reproducing them according to your descriptions. I am very happy that you were willing to take an interest in the decomposition of gum guaiacum by radiation. I have since ascertained that the substance which turns blue is excessively volatile under this influence; and I would not be at all surprised if it were this substance which becomes the Sudorific element which is recognised in this gum when its fumes are thus produced. For, I have been told of people whose skin has sometimes turned quite blue after taking a large amount of it as a cure for gout. But, after devoting some time to the curiosity and the attraction which these new phenomena of radiation inspired in me, I am forced to abandon them for the whole summer in order to finish a new edition of my treatise on astronomy which I embarked upon last year. That is, if God grants me enough time and strength to complete this task. I did, however, want to bid farewell to radiation with two articles, included in the Journal des Savans, about its chemical effects and the uses which Mr Daguerre has made of it for his drawings. Without knowing his secret, it was a matter of curiosity to me to establish the general physical Conditions which mr Daguerre must, of necessity, have fulfilled in order to obtain the perfection which he has reached in his art. Now, to give you an example of his wisdom, I will tell you that these conditions include purely optical ones which are extremely delicate. I am not talking about the necessity of having a periscopic lens to obtain the focuses on the same plane at various angles of axis. I was well aware that he had observed it. But there is another more delicate requirement. Since each sensitive substance has, so to speak, its own visible spectrum, partly coinciding with the luminous spectrum but also partly outside this spectrum, it follows that curvatures of the lens should be such that it is achromatic for the this ideal spectrum, not for ours; with the result that it should be appropriate for the special sensitivity of each substance. Now, since I showed my article to Mr Daguerre after I had written it but before it was published, he told me that he had also observed this condition in experiments and that he had varied the Curvatures of his periscopic lens which had been rendered achromatic, until he was satisfied that he had achieved the maximum sharpness. I think that he will have been aided in this by the particular nature of his substance. For, by studying its sensitivity to the various rays, or rather to the different degrees of refrangibility comprising the luminous spectrum, he found that the greatest effectiveness was obtained in the blue rays, consequently very near the greens which are nearly in the middle of our chromatic spectrum. Now, when opticians construct achromatic lenses for the eyes, there is always a compensitory defect which tends towards the blue or towards the red. If, by dint of trying different lenses, he lighted upon one where the refraction favours the blue, this lens will have been perfect for his substance, and he will have kept the curves that this lens happened to have. But you can see what wisdom such remarks show in a man who had never studied optics or specialised chemistry before he came to this Subject which he has investigated constantly for fourteen years with tireless passion. In my second article, I tell the history of Mr Niepce’s attempts and of those of his own followers according to the information which he gave me and the letters which he showed me. You can imagine that I jumped at this opportunity to do full justice to the complete independence of the research which has been conducted in England, before his own research was publicised. After close consideration of the question, I remain convinced that if drawings on paper cannot be as perfect as Mr Daguerre’s pictures as works of art, they can be of infinite service to physicists and travellers, and there is an infinite variety of applications. Farewell, Sir, there is barely enough room on the back of this page to reiterate my thanks and repeat the invitation to come and see us for a few days if you go to Paris. Please be assured of the sincerity of these feelings.
I have the honour to be, with the greatest Respect, Sir, Your very humble and obedient servant
Biot.
Mr H. Fox Talbot, member of the Royal Society of London &c. &c.
Lacock Abbey
Chippenham
England
Notes:
1. Sir John Frederick William Herschel (1792–1871), astronomer & scientist.
2. Jean Louis Lassaigne (1800–1859), chemist.
3. John David Roberton, assistant Secretary, Royal Society.
4. Herschel visited Louis Jacques Mandé Daguerre (1787–1851), French artist, showman & inventor in May, and was shown examples of the daguerreotype. In Doc. No: 03875 he encouraged WHFT to ‘come and see’ the beautiful images for himself.
5. Sir David Brewster (1781–1868), Scottish scientist & journalist.
6. Probably a work on Chinese or Indian astronomy. He never published a book titled ‘Treatise on Astronomy’.
7. Jean Baptiste Biot, ‘Sur les effets chimiques des radiations, et sur l’emploi qu’en a fait M. Daguerre pour obtenir des images persistantes dans la chambre noire’, Journal des Savants, 1839, pp. 173–183, pp. 198–207.
8. That is, the visible spectrum.
9. Joseph Nicéphore Niépce (1765–1833), photographic inventor.