Paris
le 14 7bre 1839
Monsieur
C’est moi qui ai mille excuses à vous faire pour être si fort en retard dans notre correspondance. J’ai pourtant reçu avec autant de plaisir que de reconnaissance, tous les précieux dessins <1> que vous avez eu la bonté de m’envoyer; et même, à l’exception du portrait de votre habitation, que je m’approprie exclusivement, comme un souvenir qui se rapporte à votre personne, j’ai distribué tout le reste à des amis qui s’en sont trouvés d’autant plus heureux que votre nom etait ecrit par vous même Sur le revers de tous ces dessins. si j’ai tant tardé à vous exprimer combien j’etais sensible à ces marques de votre amitié, c’est qu’indépendamment d’un long et penible travail sur les instrumens d’optique que j’ai du rédiger d’après d’anciennes recherches pour une nouvelle edition de mon astronomie, j’ai été encore détourné par d’autres devoirs qui n’ont rien de philosophique. car je me suis décidé à vendre la petite terre que j’habitais l’eté, pour en acheter une autre plus etendue, et d’une administration plus facile, dans une partie de la france, où les progrès moins avancés de la culture, n’ont pas encore élevé autant le prix des terrains. or cette opération, tres sage d’ailleurs, dans l’interêt futur de ma famille, m’a pris malheureusement du tems et de la réflexion, que j’aurais bien mieux aimé pouvoir donner à nos recherches de science; d’autant que ses affaires, où il est question d’argent, m’ennuient au dernier degré. mais enfin, jespère en être quitte sous peu de jours, pour tout le reste de ma vie; et je n’aurai plus quà m’occuper des choses qui me plaisent, parmi lesquelles le plaisir de m’entretenir avec vous est au premier rang.
non seulement je vous prêterai, mais je vous donnerai de l’ecriture de mr Laplace. Et, puisque vous aimez les autographes, je puis vous en offrir aussi de Lagrange, de Humboldt, de Seebeck <2> et de quelques autres personnages scientifiques avec lesquels je me suis trouvé en correspondance. je pourrai même vous procurer, momentanement la signature de Napoléon Buonaparte, au bas d’un rapport fait à l’institut sur un [sic] mémoire de moi, à l’epoque où il revenait d’egypte: <3> seulement comme il n’etait pas encore autre chose qu’un grand général, il ne prenait pas de prénom. j’emprunterai pour vous l’original de ce rapport aux archives de l’institut, si cela peut vous etre agréable; et vous me le renverrez quand vous n’en aurez plus besoin. dites moi seulement comment je pourrai vous transmettre tout cela, par une voie sure.
Le procédé de mr Daguerre <4> vous est maintenant connu. il me l’avait confié quelque tems avant qu’il fut public, parceque [sic] je quittais Paris; et la difficulté que j’eprouvais à ne pas faire intervenir quelque chose de ce secret, dans une correspondance relative à ce genre de recherches, fut une des causes qui me fit tarder à vous répondre. maintenant que nous en pouvons parler en toute liberté, ne vous semble t’il pas, qu’indépendamment de la perfection presque idéale que ce procédé comporte, sous le rapport de l’art, le fait capital qu’il ajoute à nos connaissances précédentes, c’est que la radiation, non seulement peut determiner actuellement immediatement des combinaisons entre certaines substances qui lui sont simultanément soumises, mais qu’elle peut encore en agissant sur quelques unes d’entre elles, à l’etat isolé, les disposer à se dissiper ou à former ensuite des combinaisons, qu’elles ne formeraient pas sans cette impression préalable? or cela se trouvait deja, avec bien moins d’evidence sans doute, dans le procédé de mr Niepce; <5> et c’en etait, si je ne me trompe, le plus remarquable resultat.
Quoique les papiers, par leur constitution pateuse, et leurs irregularités interieures, presque inevitables, ne me semblent pas pouvoir jamais fournir des épreuves, dont les linéamens soient aussi déliés et aussi nets je crois toujours qu’en les améliorant, sous ce dernier rapport, ils pourront encore etre d’une utilité infinie, tant pour les physiciens que pour les voyageurs. On ne peut donc voir, ce me semble, qu’avec un extrême intérét, les efforts constans que vous persistez à faire pour les perfectionner. je ne suis pas surpris que vous ayez reussi à enformer [sic] qui soient très sensibles aux radiations qui accompagnent les flammes artificielles, meme avec l’interposition d’une cheminee de verre. le papier nitraté se montrait deja sensible à ces mêmes radiations, et il est concevable que d’autres substances, s’en impressionnent davantage. la couche mince d’iode est deja dans ce cas. il sera infiniment curieux et utile, à la physique [illegible deletion] de determiner ainsi, les amplitudes spéciales de réfrangibilité des radiations, entre lesquelles chaque substance impressionnable peut etre affectée. car nous savons deja que ces amplitudes sont fort differentes, quant à [illegible deletion] exciter une combinaison d’une teinte donnée, par l’influence des radiations de refrangibilité analogue, comme on parait le chercher actuellement, je ne le crois pas, théoriquement impossible, surtout pour quelques cas particuliers [illegible deletion] si l’on decouvrait une substance, ou un ensemble de substances, pour lequel cette correspondance existat dans toute l’etendue du spectre lumineux cela serait assurément fort utile. mais un tel effet, selon moi, resulterait seulement d’une coincidence accidentelle, entre la teinte produite [illegible deletion] de la combinaison produite, et la réfrangibilité de la radiation qui la produirait, sans que pour cela, cette radiation dût etre de supposée identique avec celle qui excite directement la sensation de la meme Couleur dans nos yeux. C’est je crois un fait que mes experiences du commencement de cette annee etablissent. L’avenir prouvera si je me suis trompé dans cette prevision.
adieu monsieur: plus heureux que moi, puisque vous etes plus libre, poursuivez infatigablement vos belles recherches dans cette carriere si neuve veuillez continuer obligeamment à me les apprendre, et recevez tous mes vœux pour leurs succès –
Biot
A Monsieur
Monsieur H. F. Talbot, membre de
la sociéte Royale de Londres &c &c
31 Sackville Street
Londres
Laycock Abbey
Chippenham
Wilts
Translation:
Paris
14 September 1839
Sir,
It is I who must apologise most profusely for such a long delay in our correspondence. Nevertheless, I was as pleased as I was grateful to receive all the precious drawings which you were kind enough to send me; indeed, with the exception of the portrait of your home which I am keeping for myself as a souvenir of you personally, I have given all the others to friends who were all the more pleased because you had signed the back of all these drawings. If I have taken so long to tell you how moved I was by these tokens of your friendship, it is because, apart from a long and tiresome work on optical instruments which I had to write from old research for a new edition of my work on astronomy, I was also distracted by other duties which have nothing to do with philosophy. For, I have decided to sell the small estate where I used to live in the summer in order to buy a larger one, which will also be easier to manage, in an area of France where the slower progress of agriculture has not yet increased the cost of land by too much. Now, this operation, while very wise as far as the future interest of my family is concerned, has unfortunately taken time and reflection which I would have preferred to be able to devote to our scientific research, especially since I find business, in which money is involved, tedious in the extreme. But I hope to be finished in a few days and for the rest of my life; I will have nothing else to do but devote myself to the things which I enjoy, among which the pleasure of our exchanges ranks hightest.
I will not only lend you but I will also give you a sample of Mr Laplace’s handwriting. And, since you like autographs, I can also give you those of Lagrange, Humboldt, Seebeck and a few other scientists with whom I have been in correspondence. I can even obtain the signature of Napoleon Buonaparte for a short while. It is at the foot of a report written at the institute about one of my papers, made when he returned from Egypt. Because he was not yet anything other than an important general, he did not use a first name. I will borrow the original copy of this report for you from the institute archives, if this is agreeable to you, and you can send it back to me when you no longer need it. You need only tell me how I can send everything to you by a secure route.
Mr Daguerre’s process is now known to you. He had told me about it some time before it was made public because I was leaving Paris; and the difficulty which I experienced in not revealing something of this secret in correspondence relative to this type of research was one of the reasons why I delayed in replying to you. Now that we are perfectly free to talk about it, does it not seem to you that, irrespective of the nearly ideal perfection which this process allows as far as art is concerned, the major fact which it adds to our existing knowledge is that radiation can not only immediately determine combinations between certain substances which are subjected to it simultaneously, but can also, by acting on some of them when isolated, dispose them to break up or then to form combinations which they would not form without this preliminary impression. Now, this was already in Mr Niepce’s process, doubtless with far less evidence, and with, if I am not mistaken, the most remarkable result.
Although the papers, because of their heavy texture and the almost inevitable persence of inherent unevennesses, do not seem to me to be able ever to produce proofs on which the lines are as fine and clear, I still believe that by improving the papers in this latter respect, they can still be of infinite use, as much to physicists as to travellers. Therefore, it seems to me that your constant efforts to improve them can only be regarded with the greatest interest. I am not surprised that you have succeeded in making some which are very sensitive to the radiation which accompanies artificial flames, even when a glass chimney is interposed. The nitrate paper was already proving to be sensitive to the same types of radiation, and it is conceivable that other substances will prove still more suceptible to impresion. The fine layer of iodine is already such a case. It will be a matter of extreme interest and usefulness for physics to determine thus the particular amplitudes of the refrangibility of radiation between which each sensitive substance may be affected. For we already know that these amplitudes are completely different when it comes to exciting a combination of a given tint by similarly refrangible radiation. Current research seems to be in this direction, and I do not believe it is theoretically impossible, especially for particular cases. If a substance or a mixture of substances were to be discovered, for which this correspondence existed throughout the range of the luminous spectrum, it would certainly be extremely useful. But, in my opinion, such an effect would only result from an accidental coincidence between the tint of the combination produced and the refrangibility of the radiation which produced it, without this radiation being assumed to be identical to that which directly excites the sensation of the same Colour in our eyes. I believe that my experiments from the beginning of the year have established this fact. Only the future will tell if I am mistaken in this prediction.
Farewell, Sir: you are luckier than me because you have more freedom to pursue your beautiful research tirelessly in such a new arena. Please continue to be so kind as to tell me about it and accept my best wishes for its success.–
Biot.
Mr H. F. Talbot,
Member of the Royal Society of London &c &c
31 Sackville Street
London
Laycock Abbey
Chippenham
Wilts
Notes:
1. Not located.
2. Pierre Simon Laplace (1749–1827), Joseph Louis Lagrange (1736–1813), Alexander von Humboldt (1769–1859), German scientist, and probably August Seebeck (1805–1849).
3. This was Napoleon Buonaparte’s famous Egyptian campaign that led to the discovery of the Rosetta Stone. He would have returned to France in 1801.
4. Louis Jacques Mandé Daguerre (1787–1851), French artist, showman & inventor publicly revealed the working process of the Daguerreotype on 19 August 1839.
5. Joseph Nicéphore Niépce (1765–1833), invented several photographic processes employing Bitumen of Judea, lavender oil and sometimes iodine in combination on surfaces of glass, pewter, silver and stone.