Paris
le 11 janvier février 1840.
Monsieur
J’ai reçu hier à l’académie votre second envoi de dessins <1> faits par la radiation sur des papiers sensibles; et comme l’effet m’en a paru très agréable, je me suis empressé de les communiquer publiquement à mes confreres. cette annonce sera reproduite samedi prochain, dans notre compte rendu, <2> avec une petite note explicative, où je fais remarquer le désintéressement scientifique, qui vous porte à ne pas vous ménager les circonstances d’une saison plus favorable pour annoncer, des procedes et montrer des effets dont d’autres pourront utilement profiter.
Mon but, en faisant cette communication, a été de vous conserver toute l’indépendance de vos droits à la representation des objets sur des papiers sensibles, en conservant aux ombres et aux clairs leurs places naturelles. il y a ici un mr Bayard <3>, employé aux finances, qui, non pas avant l’exhibition de Daguerre, <4> mais avant la publication de son procédé, a montré des epreuves faites ainsi dans la chambre noire avec beaucoup d’agrément. mais il n’a pas fait connaitre son moyen; et comme il en veut, je crois, tirer un parti plus profitable pour lui, que scientifique, il ne se hazarde pas à en faire, ou du moins à en montrer, de nouvelles épreuves depuis la mauvaise saison. d’un autre coté, mr Daguerre, qui avait toujours repoussé les papiers sensibles, comme donnant des épreuves moins nettes que les planches de metal, s’est enfin rendu aux Sollicitations que moi même, et sans doute d’autres de ses amis, lui adressaient instamment d’appliquer sa sagacité et son expérience, à la recherche de ce genre de préparations qui peut etre si utile aux voyageurs. il a trouvé des papiers qui le satisfont, tant pour la rapidité de l’impression que pour la reproduction fidèle des clairs et des ombres, par [illegible deletion] l’action immediate de la radiation. il mais il n’a pas encore rendu son procédé public, parce qu’il veut attendre les beaux jours pour s’en faire plus d’honneur; ce qui, à mon avis, est agir moins scientifiquement que vous ne faites. Il m’a d’ailleurs assuré que son intention etait de rendre une complette justice à vos recherches précédentes, ainsi quà celles de mr Dessaignes qui a employé des premiers les iodures, et qui depuis a cessé de suivre ce sujet. mr Daguerre ne p m’a pas confié explicitement son procédé, que je ne l’ai pas prié non plus de me découvrir. mais il m’en a dit une particularité très ingénieuse, qui, sans aucun doute est décisive pour le succès, et qui me suffit bien pour deviner à peu près le reste. cette communication, toute incomplette qu’elle est, m’impose à ce sujet un silence que vous approuverez. mais cette réserve ne m’empeche pas de vous témoigner, dans l’interêt des sciences, comme pour le votre, le désir que j’aurais que vous voulussiez bien, nous faire [illegible deletion] connaitre le procédé qui vous réussit, pour que l’on puisse dès à présent, vous en assurer le mérite de l’avoir inventé, et faire partager aux savans. car les inventeurs qui consentent a publier leurs résultats, sans se ménager les circonstances qui seraient les plus favorables à leur interêt personnel, me paraissent mériter toute la reconnaissance de ceux qui sont voués au progrés des recherches scientifiques. et je Serais très empressé, pour ma part, de contribuer à ce que cette justice vous soit rendue, dans cette circonstance, comme dans toute autre.
Par Le meme motif, me porte, à vous demander si vous avez donné suite à votre curieuse observation sur les anneaux permanens de diverses teinte, qui se forment par l’extension de la vapeur d’iode sur une plaque metallique, après que la radiation y a éxercé toute son action. Comme je garde soigneusement vos lettres, j’ai sous les yeux ce que vous m’avez écrit à cet égard. mais comme on s’occupe beaucoup ici des conditions qui modifient [illegible deletion] l’extension de l’iode sur les bords et dans l’intérieur des plaques, les détails de vos experiences, si vous jugiez à propos de me les adresser, me sembleraient pouvoir jetter beaucoup de jour sur cette question, comme aussi sur les effets imprimés par la radiation à des couches d’iode et diverses epaisseurs. Toutefois je [illegible deletion] vous adresse cette priere ainsi que la précédente, pour le seul cas où il vous conviendrait d’y accéder; et dans la supposition contraire, je désire que vous veuilliez bien les regarder du moins, comme un [sic] expession de mon interêt géneral pour les découvertes scientifiques; ainsi que de mon zèle à les propager.
Il me reste à me justifier du long retard que j’ai mis à vous écrire, en reponse a vos dernieres lettres. j’ai malheureusement pour moi, été empeché de le faire par des fluxions qui m’ont fait cruellement souffrir pendant tout le mois de janvier. le peu de loisir que me laissaient ces douleurs, etait employé, à terminer un travail d’astronomie ancienne qui me jettait bien loin du genre d’idées qui aurait pu avoir de l’interêt pour vous. mais j’espere que vous voudrez bien me pardonner, en faveur, de cette double excuse, si je ne vous ai pas remercié aussitot que je l’aurais voulu de tout ce que vous m’aviez Si obligeamment envoyé.
On s’occupe beaucoup ici actuellement d’une controverse relative aux modifications que les combinaisons chimiques eprouvent lorsqu’un seul de leurs principes constituans pondérables, est remplacé par un autre principe en proportion chimiquement equivalente. Cest ce que l’on appelle, un peu tot peut être, la théorie des substitutions. Je m’occupe en ce moment d’experiences au moyen desquelles, on saura positivement si, dans de tels cas, le systeme d’aggrégation des grouppes moleculaires, reste invariable, comme le supposent les partisans de cette Théorie, ou est modifié, comme le supposent ses adversaires. l’alternative se décide nettement par les phénomenes [illegible deletion] moleculaires de rotation que j’ai depuis bien longtems découverts dans beaucoup de substances liquides, et dont j’ai suivi constamment les applications depuis, dans une foule de phenomènes de combinaison. je ne crois pas me faire illusion en voyant dans ces caracteres moleculaires des conditions [illegible deletion] de la mecanique des combinaisons, qui par là se dévoilent pour ainsi dire aux yeux. nos chimistes commencent ici à reconnaitre l’importance de ces caracteres, et quelques uns, des plus jeunes ainsi que des plus habiles, ont commencé à se s’en servir, comme guides, dans de très belles recherches. je ne puis m’empêcher de regretter, que depuis dix ans, au moins, que j’ai commencé à ouvrir cette nouvelle route, aucun des chimistes anglais, ni même des physiciens qui s’occupent de l’optique, ou qui en écrivent l’histoire, n’y ait donné la moindre attention. mais je ne veux pas terminer cette lettre, par l’expession de sentimens trop ordinaires à mon age; et j’aime mieux y echapper en vous témoignant de nouveau le vif plaisir que j’aurai toujours à correspondre avec vous.
agreez, je vous prie cette assurance, ainsi que l’expression de toute ma Considération
Biot
A Monsieur
Monsieur H. F. Talbot, membre dela société Royale de Londres &c &c
31, Sackville StreetLondon
England
Translation:
Paris
11th January February 1840
Sir,
Yesterday at the academy, I received your second parcel of drawings made by radiation on sensitive papers. And since the effect seemed very satisfactory to me, I hastened to show them publicly to my colleagues. This announcement will be reproduced next Saturday in our Compte Rendu, with a small explanatory note in which I point out the scientific selflessness which prompts you not to wait for a more favourable time of year to announce the process and to show the effects from which others could usefully benefit.
My aim in making this announcement was to preserve the complete independence of your rights over the representation of objects on sensitive papers, by keeping light and shade in their natural positions. There is a Mr Bayard here who works in finance who showed proofs made in this way in the camera obscura to much approval. This was after Daguerre’s presentation but before his process was published. But Bayard has not made his method known; and since he wants, I believe, to use it more for his own profit than for the benefit of science, he has not ventured to make, or at least display, new proofs since the winter. On the other hand, Mr Daguerre, who had always rejected sensitive papers because they produce less distinct proofs than sheets of metal, finally yielded to the entreaties which I, and doubtless some of his other friends, had been earnestly making to apply his wisdom and experience to research into this type of preparation which might be of so much use to travellers. He has found some papers which satisfy him, as much for the rapid impression as for the faithful reproduction of light and shade by the immediate action of the radiation. But he has not yet made his process public because he wants to wait for the good weather in order to enhance his reputation. In my opinion, he is behaving in a less scientific manner than you. He has also assured me that he intended to do full justice to your earlier research as well as to that of Mr Dessaignes who was among the first to use iodides and who has since stopped pursuing this subject. Mr Daguerre did not explicitly confide his process to me, nor did I ask him to reveal it to me, but he told me about a very ingenious feature which is without any doubt necessary for its success, and which is sufficient for me more or less to guess the rest. This communication, incomplete as it is, compels me to remain silent on this subject, something which you will sympathise with. But, this reserve does not prevent me from expressing my wish, in the interest of science as well as in your own, that you would be willing to make the process, which you have perfected, known to us so you can be given the credit for its invention at once, and so that it can be shared with scientists. For, inventors who consent to publish their results without arranging the circumstances to best serve their personal interest, seem to me to deserve all of the recognition of those who are dedicated to the progress of scientific research. And as far as I am concerned, I Would be very eager to ensure that justice is done, in this case as in any other.
The same motive prompts me to ask you if you have pursued your curious observation on the continuous rings of various tints which are formed by the expansion of the iodine vapour on a metallic plate, after the radiation has exercised all of its action. Since I am careful to keep your letters, I have what you wrote on this matter before me. But, since much work is being done here on the conditions which modify the spread of iodine at the edges and inside the plates, the details of your experiments, if you saw fit to send them to me, would seem to me to be able to shed much light on this matter as well as on the effects which imprinted by radiation on layers of iodine of varying thickness. However, I am only sending you both this request and the previous one on the condition that it would be convenient for you to agree; and if not, I would like it if you would be willing to regard them as an expression of my general interest in scientific discoveries; as well as of my role in propagating them.
It remains for me to justify my long delay in replying to your last letters. Unfortunately, I was prevented from doing so by an inflammation which made me suffer terribly throughout the whole month of January. The little respite which I had from this pain was devoted to finishing a work on ancient astronomy which distanced me from the type of ideas which could have been of interest to you. But, I hope that you are willing to forgive me on account of this double excuse for not thanking you as soon as I would have liked for everything which you have So kindly sent me.
People here are very preoccupied with a controversy about the modifications which chemical combinations undergo when one of their principle ponderable constituents is replaced by another element of an equivalent chemical proportion. This is what is called, possibly a little prematurely, the theory of substitution. At the moment, I am busy with experiments which will positively reveal if, in certain cases, the system of the combination of molecular groups remains invariable, as the proponents of this Theory assume, or if it is modified, as the opponents of the theory suppose.
Please accept this assurance along with the expression of my highest regards.
Biot
Mr H. F. Talbot,
Member of the Royal Society of London &c. &c.
31 Sackville Street
London
England
Notes:
1. Photogenic drawings.
2. Comptes Rendus hebdomadaires des séances de l’ de l’Académie des Sciences.
3. Hippolyte Bayard (1801–1887), civil servant and photographic inventor. Bayard’s process, unpublished at the time, was in fact a true direct positive process, producing a unique positive image directly in the camera. WHFT’s photogenic drawing process produced a negative from which subsequent positive prints could be made. This two-step process was initially viewed as a disadvantage, but before long the ability to make multiple copies from one photographic negative came to be appreciated.
4. Louis Jacques Mandé Daguerre (1787–1851), French artist, showman & inventor.