Londres, 31 Sackville Street <1>
le 7 Février 1840
Monsieur
Je vous prie d’avoir la bonté de communiquer la lettre suivante de ma part à l’Académie des beaux arts – <2>
J’ai l’honneur d’être, Monsieur, avec une consideration distinguée Votre très humble serviteur
H. F. Talbot
J’espere que l’Académie des Beaux Arts me permettra de lui offrir quelques remarques sur le rapport qui lui a été fait le 2 Novembre dernier, signé par onze de ses membres, et publié dans le Moniteur du 13 du même mois. Si je ne lui ai pas adressé ces rémarques plutot, c’est que je n’ai eu connaissance de ce rapport que très dernièrement.
Je m’apperçois [sic] qu’à l’époque de cette publication, mon procédé n’était qu’imparfaitement connu de l’Académie. À en juger par ce qu’en dit le rapport, il serait resté dans un état assez imparfait; tandis que dans l’opinion de nos artistes et du public en général, il est déjà fort avançé.
Je vais décrire à l’Académie l’état actuel de l’impressionabilité et des autres qualités de mon papier sensitif.
1. Impressionabilité. La lumière de la pleine Lune, concentrée par une lentille de 5 pouces de diamètre, suffit pour décolorer le paper en dix minutes de temps environ: et cela, après avoir traversé trois écrans de verre.
La lumière d’une lampe Argand <3> ordinaire le décolore déjà sensiblement dans une minute.
Je le crois cependant moins impressionable que le Daguerréotype: mais que son infériorité à cet égard n’est pas bien grand, et qu’on peut espérer de la voir disparaitre.<4>
2. Facilité de préparation On peut garder le papier déjà préparé, aussi longtemps qu’on veut, sans qu’il souffre aucun changement. Seulement il faut au moment de s’en servir, l’humecter avec une liquide. Ce papier pourrait se manufacturer en grande quantité; et ne coûterait alors que le double du papier à écrire ordinaire.
3. Usage. Ce papier, étant mis dans la Chambre obscure on obtient une belle image au bout d’une demi-heure ou d’une heure, selon les circonstances – .On peut l’examiner pendant l’opération, et l’arrêter à l’instant désiré. La grandeur de l’image est à peu près de neuf pouces tant en longueur qu’en largeur. Mais pour obtenir des images plus petites, par exemple de 3 pouces en longueur et en largeur, il ne faut que dix minutes ou un quart d’heure: et ces petites images se distinguent par un certain caractère de force et de vivacité.
Les images microscopiques s’obtiennent de même, mais plus vite; il n’est pas nécessaire de se munir d’ un Héliostat <5> parceque la grande impressionabilité du papier permet d’en dispenser. Au mois d’Août dernier j’ai fait et distribué un nombre considerable de ces dessins microscopiques.
4. Fixation. On peut fixer les dessins très fortement. Ils soutiennent longtemps une vive lumiere du soleil. Il découle de là un très grand avantage, c’est à dire qu’on peut les copier, en les posant avec pression – sur d’autres feuilles de papier sensitif. La copie n’est pas toujours (comme on serait tenté de le croire d’avance) inférieur à l’original. Elle a souvent autant de force, ou même d’avantage.
Les copies ainsi faites, réprésentent les objets correctement quant aux lumières et aux ombres. Elles ne sont pas renversées de droite en gauche comme les tableaux Daguérotype [sic], et ceux de M. Bayard <6> (si j’ai bien saisi la description de ces derniers)
5. Durée Ces tableaux peuvent soutenir le frottement aussi bien que le ferait un livre imprimé. Je crois que c’est tout dire à cet égard.
Ayant ainsi décrit en peu de mots l’état actuel de mon procédé photogénique, <7> je viendrai à l’objet principal de ma lettre; qui est, de dire, que si l’Académie désirerait en juger par ses propres yeux, et qu’elle m’en avertirait, je lui ferais parvenir dans quelques semaines un paquet de dessins, dont par suite [sic] elle ferait distribution parmi ses membres selon sa bonne volonté.
à M. le Sécrétaire de l’Académie Royale des Beaux Arts
à Paris
Translation:
London, 31 Sackville Street
7 February 1840
Dear Sir,
I beg you to be so kind as to communicate the following letter to the Academy of Fine Arts for me –
I have the honour of being, Sir, with sincere regards Your very humble servant
H. F. Talbot
I hope that the Academy of Fine Arts will allow me to offer some remarks on its report made on this past November 2nd, signed by eleven of its members, and published in the Moniteur of the 13th of the same month. If I have not addressed these remarks earlier, it is because I have only very recently learned of this report.
I realise that at the time of its publication, my procedure was only imperfectly known to the Academy. Judging by what is said in the report, this knowledge has remained in quite an imperfect state; whereas in the opinion of our artists and of the general public, it is already very advanced.
I will describe to the Academy the current state of impressionability and of the other qualities of my sensitive paper.
1. Impressionability. The light of the full moon, intensified by a lens of 5 inches in diameter, and after having passed through three glass screens, is sufficient to discolour the paper in about ten minutes.
The light of an ordinary Argand lamp already discolours it appreciably in one minute.
I believe, however, that it is less impressionable than the Daguerrótype: but that its inferiority in this respect is not very great, and that one can expect to see it disappear altogether.
2. Ease of preparation The ready-prepared paper can be kept as long as desired, without its undergoing any changes. It only takes a moment to use it, to moisten it with a liquid. This paper could be manufactured in large quantities; and would in that case only cost twice the price of ordinary writing paper.
3. Use. This paper, having been put in the Camera obscura, gives a good image after half an hour or an hour, depending on the circumstances –. It can be examined during the operation, and stopped at the desired point. The size of the image is of approximately nine inches both in length and width. But to obtain smaller images, for example of three inches in length and width, it only takes ten to fifteen minutes: and these small images are marked by a certain character of strength and vivacity.
Microscopic images are obtained in the same way, but more quickly, there is no need to equip oneself with a Heliostat, because the great sensitivity of the paper renders it unnecessary. In this past month of August I have made and distributed a considerable number of these microscopic drawings.
4. Fixing. One can fix the drawings very well. They can withstand bright sunlight for a long time. This produces a very great advantage, namely that they can be copied, when pressed – onto other sheets of sensitive paper. The copy is not always (as one would be tempted to believe in advance) inferior to the original. It is often just as strong, or even more so.
Copies made in this way, represent objects correctly with regard to light and shade. They are not reversed from left to right like the Daguérotype pictures, and those of Mr Bayard (if I have properly grasped the description of the latter)
5. Duration These pictures can withstand abrasion as well as a printed book would. I think that is all there is to say in this respect.
Having thus given a brief description of the current state of my photogenic process, I will come to the main objective of my letter; which is, to say, that if the Academy should wish to judge with its own eyes, and would care to inform me of this, I would order a packet of drawings reach it in a few weeks, which it would then kindly distribute amongst its members.
to the Secretary of the Royal Academy of Fine Arts
in Paris
Notes:
1. 31 Sackville Street, London residence of the Feildings, often used as a London base by WHFT.
2. Academie Royal des Beaux Arts, Paris.
3. Introduced by Ami Argand (1750–1803) in 1784, this improved oil lamp provided a more steady light source with less accompanying smoke.
4. In September, WHFT discovered that a latent image could be brought out by chemical developing, leading to his calotype process which was competitive in sensitivity to the daguerreotype.
5. A small mirror, turned by clockwork, that reflected the rays in the desired direction at all times.
6. Hippolyte Bayard (1801–1887), civil servant and photographic inventor.
7. Photogenic drawing.