[The original has not been located. This is the letter communicated to the Académie by Biot and published in the Comptes Rendu, session of 25 February 25 1839, v. 8 no. 8, pp. 303-305.]
Monsieur,
Je m'empresse de répondre à vos deux lettres du 13 et 18 de ce mois, <1> dans la dernière desquelles vous me faites l'honneur de m'informer que M. Daguerre a découvert de son côté un procédé pour faire du papier sensitif. <2>
Comme il n'y a pas un seul mot dans votre lettre sur la fixation ou conservation subséquente des images ainsi obtenues sur le papier, je dois conclure de là, ou que M. Daguerre ne fait pas usage d'un tel procédé, ou que du moins il n'a pas jugé à propos de le communiquer.
Je ne sais si M. Daguerre aura mis sous les yeux de l'Académie, <3> dans sa séance de lundi dernier, une série aussi nombreuse et variée de dessins photogéniques exécutés sur papier, que celle que j'ai montrée de mon côté à la Société royale et à l'Institution royale, <4> et aussi long-temps et fraîchement conservée; mais, quoi qu'il en soit, et quelle que soit d'ailleurs la perfection des procédés, une fois qu'il est reconnu que mes recherches ont été parfaitement indépendantes, je ne me mettrai pas trop en peine qu'on soit arrivé ailleurs à de semblables résultats.
Pour vous montrer, Monsieur, combien je suis sensible aux sentiments que vous avez bien voulu me témoigner, dictés par l'amour sincère et véritable de la science, je répondrai aux questions que vous m'avez faites, et je vous décrirai nettement ma manière de faire les tableaux photogéniques, en vous épargnant les détails minutieux que la pratique fait découvrir, et qui ajoutent quelque chose à la perfection du travail, ainsi qu'à la certitude du succès, sans rien changer au principe essentiel.
Pour faire ce qu'on peut appeler du papier photogénique ordinaire, je choisis d'abord un papier ferme et de bonne qualité; je le plonge dans une solution faible de sel ordinaire, et je l'essuie avec un linge pour que le sel soit distribué dans le papier aussi uniformément que possible; ensuite j'étends sur un côté du papier une solution de nitrate d'argent mêlée de beaucoup d'eau; je le sèche au feu, et l'on peut s'en servir de suite. En répétant cette éxperience de diverses manières, on trouvera qu'il y a une certaine proportion entre la quantité du sel et celle de la solution d'argent, que l'on doit employer de préférence. Si l'on augmente la quantité du sel au-delà de ce point, l'effet diminue, et en certains cas, peut même devenir presque nul. Ce papier, si on l'a bien fait, peut servir à grand nombre d'usages photogéniques ordinaires. Rien de plus parfait, par exemple, que les images des feuilles et des fleurs qu'on peut en obtenir avec le soleil de juillet; la lumière pénétrant à travers les feuilles, en dessine chaque nervure.
Maintenant, que l'on prenne une feuille de papier ainsi préparé et que l'on étende dessus une solution saturée de sel marin, et qu'on le laisse sécher au feu; on trouvera alors ordinairement la sensibilité du papier très diminuée, quelquefois même réduite à fort peu de chose; surtout si on l'a gardé quelques semaines avant d'en faire l'expérience. Mais si l'on y met encore une fois de la solution d'argent, le papier redevient sensible à la lumière et même plus qu'il n'était la première fois. C'est ainsi, en mettant alternativement sur le papier des couches de sel et d'argent, que je parviens à le rendre assez sensible pour pouvoir fixer avec une certaine rapidité les images données par la camera obscura.
Mais il y a une observation qu'il ne faut pas négliger. Comme on arriverait de cette manière à des résultats tantôt plus tantôt moins satisfaisants, par suite des petites variations accidentelles, on trouve, si l'on répète souvent l'expérience, que parfois le chlorure d'argent ainsi obtenu est disposé à se noircir peu à peu sans être exposé à la lumière. C'est aller trop loin; mais aussi c'est le but dont il faut s'approcher autant que possible sans l'atteindre tout-à-fait. Ainsi, après avoir préparé un certain nombre de feuilles de papier, avec des proportions chimiques un peu différentes pour chacune, j'en expose des échantillons marqués et numérotés, en même lieu, à une lumière diffuse très faible, pendant un quart d'heure ou une demi-heure. S'il y a entre ces échantillons un quelconque qui montre avoir un avantage marqué sur les autres, comme cela arrive, je choisis le papier avec le numéro correspondant, et je ne manque pas de m'en servir aussitôt que possible après l'avoir préparé.
Il me reste à vous décrire, Monsieur, les moyens dont je me sers pour fixer les images ainsi obtenues. Après plusieurs tentatives infructueuses, le premier moyen qui m'a réussi c'est de laver le dessin avec de l'iodure de potasse mêlé de beaucoup d'eau. Il se forme alors un iodure d'argent qui est tout-à-fait inattaquable par le soleil. Ce procédé, toutefois, exige des précautions, car si l'on fait usage d'une solution trop forte, cela pourrait enlever les parties noires du tableau qu'il faut laisser intactes. Mais on réussira bien en prenant une solution d'une médiocre faiblesse. En faisant usage de ce procédé, j'ai des dessins parfaitement conservés depuis près de cinq ans, quoique pendant cet intervalle, souvent exposés en plein soleil.
Mais un moyen plus simple, et duquel je me suis très souvent servi, consiste à plonger les dessins dans une forte solution de sel marin ordinaire, les essuyer légèrement et les sécher. Plus le soleil a été brillant dont on s'est servi pour faire le tableau, plus ce moyen de conservation est efficace; car alors les parties noires du tableau ne souffrent aucune altération par suite de l'action du sel. Maintenant, si l'on expose le tableau au soleil, les parties blanches prennent assez souvent une teinte lilas clair, puis deviennent insensibles. En poursuivant et répétant ces expériences j'ai trouvé que cette coloration en lilas n'est pas uniforme, et qu'il existe des proportions avec lesquelles elle ne se produit pas; on obtient alors, si l'on veut des lumières absolument blanches.
Mon excellent ami, sir J. Herschel, <5> m'a communiqué ces jours derniers une méthode très belle de son invention pour la conservation des tableaux photogéniques. Cependant je ne dois point la décrire sans lui en avoir demandé la permission. Je dirai seulement que j'ai répété son expérience avec un plein succès.
Recevez, etc.
Signé, H. Fox Talbot,
membre de la Société royale.
Translation:
Sir
I hasten to reply to the two letters of 13th and 18th of this month in the latter of which you do me the honour of informing me that Mr Daguerre has himself discovered a technique for making sensitive paper.
As there is no mention in your letter of the fixing or subsequent conservation of images thus obtained on paper, I must conclude from this, either that Mr Daguerre makes no use of such a technique, or at least that he has not judged fit to communicate it.
I know not whether Mr Daguerre will have presented before the eyes of the Academy, in its meeting of last Monday, such a numerous and varied series of photogenic drawings executed on paper, as that which I showed, for my part, to the Royal Society and the Royal Institution, and conserved so freshly and for such a long time; but, whatever the case may be, and however perfect these techniques may be, once it has been recognised that my research has been perfectly independent, I will not be too upset should similar results have been arrived at elsewhere.
In order to show you, Sir, how much I appreciate the sentiments which you have been kind enough to show me, dictated by a sincere and veritable love for science, I will reply to the questions you have put to me, and I will describe clearly my method for producing photogenic pictures, sparing you the minutiae which practice leads us to discover, and which add something to the perfection of the work, as well as to the certainty of its success, without changing anything of the essential principle.
In order to make what can be called ordinary photogenic paper, I first choose a heavy paper of good quality; I dip it in a weak solution of ordinary salt, and I wipe it with a cloth in order that the salt be distributed in the paper as uniformly as possible; then I spread on one side of the paper a solution of nitrate of silver mixed with a large quantity of water; I dry it by the fire, and it can be used immediately. By repeating this experiment in different ways, one will find that there is a certain proportion between the quantity of salt and that of the silver solution, which should preferably be used. If the quantity of salt is increased beyond this point, the effect diminishes, and in some cases may even become almost null. This paper, if it has been well made, can be used for a good number of ordinary photogenic usages. Nothing is more perfect, for example, than the images of leaves and flowers which can be obtained under the July sun; the light penetrating through the leaves, shows up every nervure.
Now, let us take a sheet of paper thus prepared and spread on it a saturated solution of sea salt, and let it dry by the fire; we shall then find in ordinary circumstances that the sensitivity of the paper is greatly diminished, sometimes even reduced to very little indeed; particularly if it has been kept for some weeks before carrying out the experiment. But if we put on it once more some silver solution, the paper again becomes sensitive to light, and even more so than it was initially. It is in this manner, by covering the paper with salt and silver alternately, that I manage to render it sufficiently sensitive to fix with a certain rapidity the images given by the camera obscura.
However, there is one observation which must not be neglected. Since we would arrive in this way at results which werere sometimes more and sometimes less than satisfactory, because of small accidental variations, we find, if the experiment is repeated often enough, that sometimes the silver chloride thus obtained is disposed to darken little by little without being exposed to the light. This is to take it too far; but it is also the aim which we must approach as closely as possible without ever reaching it entirely. Thus, after having prepared a certain number of sheets of paper, with slightly different chemical proportions for each one, I expose marked and numbered specimens, in the same place, to a very faint diffuse light, for quarter of an hour or half an hour. Should there be among these specimens any one which shows itself to have a marked advantage over the others, as happens, I choose the paper with the corresponding number, and I make sure that I use it as soon as possible after having prepared it.
It remains for me to describe, Sir, the methods of which I avail myself in order to fix the images thus obtained. After several fruitless attempts, the first method which has brought me success is to wash the drawing with iodide of potassium mixed with a large quantity of water. An iodide of silver is then formed which is entirely unaffected by the sun. This technique, all the same, requires precautions, for if too strong a solution is used, this could remove the black parts of the picture which must be left intact. But we succeed well if we take a solution of average weakness. By using this technique, I have drawings which have been perfectly conserved for almost five years, despite having often been exposed during this period to full sunlight.
But a simpler method which I have often used, consists in dipping the drawings into a strong solution of ordinary sea salt, wiping them lightly and drying them. The brighter the sun which has been used to make the picture, the more efficient is this method of conservation; for in this case, the black parts of the picture suffer no alteration as a result of the action of the salt. Now, if the picture is exposed to the sun, the white parts often take on a pale shade of lilac, then become insensitive. By pursuing and repeating these experiments I have found that this lilac colouration is not uniform, and that there exist proportions under which it does not occur; in such cases, if so desired, one obtains absolutely white lights.
My excellent friend, sir J. Herschel, communicated to me over the past few days a very fine method of his invention for the conservation of photogenic pictures. Nevertheless, I must not describe it without having asked his permission. I shall only say that I have repeated his experiment with complete success.
Accept, etc.
Signed, H. Fox Talbot
member of the Royal Society
Notes:
1. See Doc. No: 03806 and Doc. No: 03809.
2. Louis Jacques Mandé Daguerre (1787-1851), French artist, showman & inventor announced his own paper process, but it is unclear what that process was. It may have been based on the early work of his deceased partner, Joseph Nicéphore Niépce (1765-1833), photographic inventor, or a version similar to the silver nitrate paper used by WHFT. No specimens of Daguerre's paper process are known to have survived.
3. Academie Royale des Sciences, Paris.
4. On January 25, WHFT exhibited a number of specimens of photogenic drawing at the popular Friday evening lecture of the Royal Institution, London, Prof Michael Faraday (1791-1867), scientist, presiding. On 31 January, he presented his first paper to the members of the Royal Society of London. See WHFT, Some Account of the Art of Photogenic Drawing, or the Process by which Natural Objects may be made to Delineate Themselves without the Aid of the Artist's pencil. Read before the Royal Society, January 31, 1839 (London: R & J E Taylor, 1839).
5. Sir John Frederick William Herschel (1792-1871), astronomer & scientist, invented the method of 'washing out', dissolving the remaining silver salts with a bath of hypo. This differed from WHFT's fixing baths of salt or potassium iodide, which rendered the remaining silver salts relatively stable, but left them in the paper.